[INFOGRAPHIE] Le commerce du vin de Cahors au Moyen-Âge

3 avril 2023
Infographie vin de Cahors au Moyen-Âge
Le commerce du vin de Cahors au Moyen-Âge

Le commerce du vin de Cahors au Moyen-Âge : une réalité aux contours incertains

Cité d’origine antique fondée sur les bords du Lot vraisemblablement sous le règne d’Auguste, Cahors, cité épiscopale, est une ville importante durant tout le Moyen Age. Place de marché peuplée, c’est un lieu de pouvoir et de savoir -son université est active de 1332 à 1751. 

Évaluer l’importance du commerce du vin de Cahors au Moyen Âge impose de l’identifier au sein de flux différents. Il se mêle parfois au commerce textile, il peut être un produit « échangé » contre d’autres, il est également, et surtout, mêlé aux vins du « haut-pays » ou bien éclipsé par les vins de Gascogne qui dominent de larges périodes. Des fluctuations fortes apparaissent entre prospérité du XIII° siècle, marasme du XIV° et regain du XV° siècle. Un contexte général qui change parfois brutalement pèse sur une activité très dépendante de la conjoncture politique et économique.

Vin et prospérité économique de l’Occident médiéval au XIII° siècle

Le dynamisme de l’Occident se reflète dans la place que prend le vin dans les échanges au long cours. Le débarquement dans les ports d’Angleterre puis des Flandres de quantité de vins en provenance de La Rochelle, à partir de 1198, est ainsi un marqueur central dans le développement des échanges et dans l’essor économique et démographique de l’Europe occidentale. « A la différence du commerce de gros, la vente du vin en détail était interdite aux exportateurs étrangers. Conformément aux principes de l’économie urbaine, elle était dans chaque ville exclusivement réservée à la bourgeoisie et soumise à l’étroite surveillance de la police locale. A la liberté que le capitalisme faisait régner dans le commerce international s’opposait l’esprit strictement protectionniste et réglementaire des marchés urbains ». Au Moyen Âge tout grand commerce d’exportation est risqué. Il s’avère même souvent dangereux en raison des naufrages, actes de piraterie et de guerre qui sont fréquents.  Sa nature est donc capitaliste voire spéculative et le commerce des vins en Gascogne intègre ces caractéristiques. Parmi les grandes fortunes du Moyen Âge, « plusieurs lui doivent certainement leur origine. Je me bornerai à citer ici que les ducs de Bedfort descendent de négociants en vin de la ville de Weymouth, qui portaient, avant l’anoblissement de la famille au XVe siècle, le nom caractéristique de Gascoigne ». Le risque impose cependant souvent de répartir les investissements et donc de diviser les profits. De manière très classique au Moyen Âge, « les marchands de vin s’associaient ordinairement en compagnies temporaires. La coopération remédiait ainsi à la modicité des mises individuelles. Ainsi les risques en capital étaient répartis entre plusieurs expéditions organisées à frais communs avec des compagnons ».

Les Cahorsins et le vin

L’activité des Cahorsins, connecte la ville aux circuits marchands qui irriguent l’Europe prospère des 12e et 13e siècles. Si l’on ne peut être formel sur la part des vins produits à Cahors et dans les environs dans leur négoce, celui-ci, associé à leurs dynamisme financier, sert, directement ou indirectement les activités liées au vignoble . 

Les sources permettent d’établir un lien certain, mais dont la densité reste impossible à déterminer, entre l’activité des Cahorsins et le commerce du vin. Philippe Wolff mentionne notamment comme figures importantes Pierre Cougoule auquel, en 1230 et 1257, le roi achète souvent du vin gascon ou bien encore le « marchand de vins » Benoît de Rocamadour. En 1268 apparaît Pons de la More qui, associé à deux autres marchands de Cahors, Pierre de Porte et Guillem Warasche, vend 120 tonneaux de vin gascon au roi. Au cours des années suivantes, il devient acheteur des vins du Roi et est à ce titre considéré comme citoyen anglais en 1271. Sa réussite est comparable à celle de Guillem Servat et leurs cas ne sont pas isolés. Surtout si l’on ne se borne pas aux seuls marchands de Cahors même. L’exemple de cette petite capitale régionale était imité dans tout le Quercy. Bernard de Opère, de Castelsarrasin vend ainsi du vin au roi d’Angleterre en 1252. « Surtout, souligne Wolff, il faut signaler le cas des Géraudon; l’un d’eux, Arnaud Géraudon, était, au plus tard en 1249, chambellan du roi à Londres, et procédait, à ce titre, à des achats de vins pour son maître ». Malgré cette activité du commerce cadurcien, la place du vin produit sur place reste très incertaine. Les textes qui nous sont parvenus attestent même que les vins de Cahors ne représentaient qu’une faible part des vins du Haut-Pays garonnais qui ensemble forment 60 % des tonneaux exportés par le port de Bordeaux.  En 1306-1307, alors que les échanges sont alors prospères, « on enregistre une sortie de 93 452 tonneaux (un tonneau contient entre 800 et 900 litres) mais sur ce total les vins embarqués à Cahors ne dépassent guère les 800 tonneaux alors que ceux de Montauban atteignent les 5 000 ». Si on repère notamment bien des marchands de Cahors à Londres au 13e siècle, les archives (le Calendar of patents rolls et ses 2 769 références vinicoles entre 1216 et 1452), ne font aucune mention de vente de vin « de Cahors » ou de « black wine ». 

Le Lot : un atout commercial encore très mal exploité

Les contraintes matérielles de la navigation sur le Lot prennent une part notable dans les difficultés rencontrées dans la commercialisation des vins de Cahors. L’hydrologie du Lot est en effet marquée par un cours irrégulier et un débit marqué par de fortes amplitudes pouvant s’étager de quelques m3 à la seconde jusqu’à près de 4 000 m3 en périodes de fortes crues. Son débit moyen au confluent ne dépasse guère 180 m3 par seconde alors que le Tarn et la Dordogne atteignent respectivement 250 et 400 m3 seconde. En dépit des multiples accords passés avec les rois-ducs d’Aquitaine pour en améliorer la navigabilité, les moyens techniques disponibles ne pouvaient suffire à rendre la rivière aisément praticable. La meunerie constitue également un obstacle à la navigation. Le cours de la rivière est ainsi barré de payssières, où sont établis les moulins et leur pêcherie. Entre 1219 et 1519, la fréquence des injonctions à maintenir ouvert un passage à la navigation souligne que l’obligation d’aménager un passage d’au moins 6 cannes (environ 12 mètres) pour respecter les droits de passage des bateliers était très mal respectée. « Dans la seule enquête sérieuse – nourrie de sources notariales –, celle consacrée au castrum de Puy-L’Évêque dans la basse vallée du Lot, Jean Lartigaut dresse un bilan : « En fin de compte, le cami de laygua, le Lot, n’apparaît pas comme une voie d’échanges. Le registre de Salas ne comporte pas même une allusion à la batellerie ». 

La reprise très progressive du XV° siècle (le vin de Cahors comme monnaie d’échange)

La crise du XIVe siècle marque une rupture majeure. Ce n’est que progressivement que l’exportation du vin hors du Quercy reprend mais de manière toujours aussi difficile à évaluer précisément. Des écrits attestent que le vin circule mais rien ne peut confirmer explicitement des flux réguliers et des quantités importantes. Lartigaut mentionne ainsi des transactions comme autant de traces de ces échanges, sans être en mesure d’en établir les volumes de manière plus globale. Il «  pressent … une exportation vers l’Auvergne … [par] … quelques témoignages clairsemés mais probablement significatifs. Dès 1439, un habitant d’Escorailles, du diocèse de Clermont, s’oblige envers un paysan de Bagnac pour achat de vin. En janvier 1475, un marchand d’Aurillac s’oblige envers noble Pierre de Boysson qui, pour le prix de 50 écus d’or, lui avait vendu treize muids de vin, mesure de Lentillac, provenant du mas de Sayrinhac ». Le vin peut servir également à payer des redevances. L’abbé bénédictin de Saint-Géraud d’Aurillac exigeait ainsi le règlement en vin de la pension que le prieuré de Capdenac devait à son abbaye. En 1440, il réclamait la pension de deux années sur le pied de 44 muids et cinq setiers par an. Le vin apparaît également dans le cadre d’échanges en nature. Ainsi : «  En 1494, un petit marchand de Saint-Céré, Pierre Maynart alias Pechieyra, s’oblige envers un bon marchand de Salers pour 52 Livres tournois correspondant à la fourniture de divers draps du Poitou ; il promet de payer une partie de cette somme avec six muids de vin, chacun de douze bastes, mesure de Saint-Céré, pour une moitié de vin rouge et l’autre de claret ».

Commerce du vin : des marchés difficiles

La question des expéditions vers Bordeaux ne peut également être réellement tranchée. Les Bordelais jouissaient du privilège d’écouler leur vendange avant le Haut-Pays qui ne pouvait vendre sa production qu’après le 11 novembre. « Mais Marcel Lachiver rappelle que cette restriction n’était pas vraiment appliquée, la production du Bordelais étant alors insuffisante pour alimenter à elle seule les marchés anglais et flamand ». Les choses changent avec la défaite anglaise et la punition infligée par Charles VII à la ville rebelle. La victoire de Castillon assure en effet en 1453, après la chute de la ville , la mainmise de la couronne de France sur Bordeaux. Les conditions économiques, avec notamment la taxation des exportations de vin sont sévères. Après cette « curée » expliquera Lartigaut : «  les vins du Haut-Pays purent entrer librement dans Bordeaux ». Le Quercy, faute de surface productive, n’était cependant pas en mesure de profiter de cette situation. Cette opportunité est de surcroît de courte durée. La crainte d’un retour offensif des Anglais conduit Charles et ses successeurs à ménager les Bordelais.(L’avantage bordelais) Dès avril 1454 les réglementations furent réinstaurées, la date de vente des vins d’un haut-pays défini par… l’amont de Saint-Macaire étant même fixée au 30 novembre ! Les flux vers l’Angleterre sont de surcroît coupés : «  les grandes flottes des vins ne se présentèrent plus devant l’estuaire de la Gironde. La moyenne des transactions avec l’Angleterre se maintint à un niveau très modeste tout au long du XVe siècle. Le déclin de ce commerce prestigieux explique peut-être que la documentation quercinoise ne conserve aucune trace d’échanges avec Bordeaux ». 

Si Bordeaux n’est pas le seul débouché potentiel des vins de Cahors, les autres marchés s’avèrent par ailleurs compliqués à sécuriser, la concurrence d’autres production y étant vive. 

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Eliora Bacci

Responsable communication digitale
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