Château du Cèdre et Mas del Périé : Cahors a tant à nous dire !

Château du Cèdre et Mas Del Périé Cahors a tant à nous dire
29 juin 2022

Dans son spécial été, la Revue du Vin de France invite deux vignerons emblématiques de l’appellation Cahors ; Fabien Jouves (Mas Del Périé) et Pascal Verhaeghe (Château du Cèdre) à confronter leur vision. Par Roberto Petronio

Fabien Jouves et Pascal Verhaeghe (premier plan) font rayonner les vins de Cahors en France et à l’étranger.

Deux visions de Cahors : grande pureté d’un côté, densité et profondeur de l’autre. C’est un voyage sensible au pays du malbec que nous proposent deux vignerons passionnés.

Situé presque à égale distance de Toulouse et de Bordeaux, le vignoble de Cahors fait partie de cette France profonde où la nature est d’une beauté à couper le souffle. Il s’étend tout le long du Lot qui, creusant son lit, a dessiné de part et d’autre de ses rives un magnifique paysage avec du relief et façonné des terroirs propices à la culture du cépage malbec. Les vignerons de l’appellation ont cette envie paradoxale d’être reconnus à travers le monde pour la singularité et la longévité de leurs vins, tout en souhaitant que l’on ne vienne pas trop les déranger dans leur havre de paix, loin des tumultes du monde citadin.

Pourtant, rien de tel pour s’approprier la diversité des terroirs de Cahors que de s’imprégner de ses odeurs et de ses couleurs, de traverser ses paysages et de se mettre en condition pour savourer le fruit de ses entrailles à travers ses vins.

Le malbec a longtemps été pénalisé pour son petit accent rustique ; mais, depuis quelques années, une nouvelle vague de vignerons, tendance “nature”, souhaite montrer un visage plus civilisé de ce cépage…

Fabien Jouves est au nombre de ces vignerons. Il produit, sans soufre, mais avec précision et douceur, des cahors ultra-digestes. Au château du Cèdre, Pascal Verhaeghe, père spirituel de Fabien Jouves, a été l’un des tout premiers vignerons à proposer des cahors profonds, classiques et de grande qualité, ayant un fort potentiel de garde, tout en faisant évoluer sa production vers des vins sans soufre. Une rencontre entre deux générations dont l’objectif commun est de faire rayonner les vins de Cahors en France et partout dans le monde.

Un cœur sensible

Sur les hauteurs de l’appellation, à Trespoux-Rassiels, le Mas del Périé produit depuis 2007 des cuvées parcellaires, notamment la cuvée Les Acacias dégustée pour cette rencontre. Elle provient d’un terroir de calcaires ferrugineux. Fabien Jouves est issu d’une famille qui vendait ses raisins au négoce. Il découvre le plaisir du vin et de la vigne au cours de ses études d’œnologie à Bordeaux. À ses débuts, en 2006, il produit des cahors avec les recettes de l’œnologie moderne, mais cela ne le satisfait pas. Il estime que le malbec est un cépage costaud au cœur sensible qu’il ne faut pas brusquer pour éviter qu’il ne vous décoche un uppercut au visage. Orienté vers la biodynamie dans ses vignes, il opte pour le “sans soufre” en cave. Un moyen – et non une finalité – pour lui d’obtenir finesse et élégance dans ses vins. S’il essuie quelques revers à ses débuts, il élabore aujourd’hui des cahors d’une grande pureté, très fruités et digestes, valorisant à merveille la sensibilité du malbec.

Précis et déterminé

Établi à Vire-sur-Lot, le château du Cèdre est l’un des domaines qui, dans les années 1980, ont œuvré pour promouvoir des cahors de qualité, complexes et de garde. Pascal Verhaeghe se souvient qu’à cette époque, il était pourtant plus aisé de vendre les vins à l’export qu’en France. Il est passé par la mode des vins concentrés et “parkerisés”, ce qui lui a permis de connaître un franc succès sur les marchés nord-américains. Mais ce pionnier du cahors haut de gamme, adepte des vins d’assemblage de ses différents terroirs, a su se remettre en question de manière constante. À tel point que depuis dix ans, il a orienté une grande partie de sa production vers le “sans soufre” avec détermination mais précision. L’esprit ouvert, proche de la retraite, Pascal Verhaeghe aspire à boire des vins digestes et fins même si sa cuvée Le Cèdre, ici présente, est un vin dense et profond qui gagne en complexité à mesure qu’il prend de l’âge.

  • Château du Cèdre
    Bouteilles : 120 000
    Agriculture : biologique
    Adresse : Bru, 46700 Vire-sur-Lot
    Tél. : 05 65 36 53 87
    E-mail : chateauducedre@wanadoo.fr
  • Mas del Périé
    Bouteilles : 100 000
    Agriculture : biodynamique
    Adresse : Le Bourg, 46090 Trespoux-Rassiels
    Tél. : 05 65 30 18 07
    E-mail : contact@masdelperie.com

En six millésimes, l’expression du cahors d’identité

Millésime 2019

Château du Cèdre

Le Cèdre

La vinification est faite sans SO2, le vin est sulfité seulement à la mise en bouteilles. Cela donne un joli nez évoquant la résine avec une touche de graphite et un fruit profond. Ciselé mais plein, il affirme son élégance par un beau toucher de bouche.

Mas del Périé

Les Acacias

Depuis 2016, les vins du Mas del Périé sont sous l’étiquette Fabien Jouves. Ce vin de milieu de gamme est sans SO2. Très fruité, il sent la framboise. En bouche, on ressent un fruit libre mais précis. Fabien trouve à ce cahors, plein et soyeux, une note sanguine qui évoque le pigeon.

Millésime 2016

Château du Cèdre

Le Cèdre

Malgré une pointe d’évolution type sous-bois, on retrouve vite la résine qui signe l’aromatique de cette cuvée. En bouche, le vin est légèrement replié. « Comparé à 2019, ce millésime est davantage structuré », confirme Pascal Verhaeghe, qui lui trouve une petite note de genièvre. À l’air, il se replie encore plus. À oublier au moins cinq ans.

Mas del Périé

Les Acacias

Au nez, on a la sensation d’un fruit plus acidulé avec ce vin vibrant. Intense, il développe à l’air une note sanguine. Son cœur de bouche est serré, avec plein de petits tanins, une acidité affirmée et une touche iodée. À oublier aussi au moins cinq ans.

Millésime 2014

Château du Cèdre

Le Cèdre

Ce vin offre un fruité intense où l’on retrouve le genièvre et la résine, avec une touche de graphite. Avec ses tanins solides et son fruit dense, il est plus en allonge qu’en volume de bouche. Il a fallu attendre le 7 octobre pour obtenir une maturité complète des raisins. Un millésime froid, droit et élégant, taillé pour la garde.

Mas del Périé

Les Acacias

Il embaume les fruits rouges avec une aromatique très ouverte. En bouche, on découvre un cahors gracieux, avec une belle acidité. Il est issu d’une vendange de fin septembre, début octobre. On apprécie son caractère digeste et sa belle fluidité, loin des stéréotypes du cahors rustique et dur.

Millésime 2012

Château du Cèdre

Le Cèdre

Ce 2012 nous mène vers des arômes tertiaires, avec une touche automnale et de bois précieux, et toujours en filigrane une note de graphite. Noble, avec son fruit profond, ses tanins patinés, il conserve un cœur de bouche dense. Archétype du grand cahors classique, il porte bien son nom avec ses senteurs de cèdre omniprésentes.

Mas del Périé

Les Acacias

On retrouve le caractère sanguin de cette cuvée, même si une note fermentaire domine un fruit très présent. Charnu mais avec une attaque fine, le vin accuse une finale légèrement séchante. Un rien dissocié, ce deuxième millésime vinifié sans soufre n’a pas la précision des dernières années. Pascal Verhaeghe lui voit pourtant un bel avenir.

Millésime 2009

Château du Cèdre

Le Cèdre

Parfum complexe où l’on retrouve une touche de cèdre, mais surtout l’empreinte d’un fruit qui revient en force. Avec l’âge, Le Cèdre devient un vin racé, charnel, aux tanins parfaitement fondus. D’une grande densité, il évolue avec une grande noblesse de corps et de parfums.

Mas del Périé

Les Acacias

Vinifié avec toute la panoplie de l’œnologie moderne, ce vin représente tout ce que Fabien Jouves n’a plus envie de boire. Comme il le souligne, c’est un cahors très concentré, avec une forte présence de la barrique. Au final, il est resté fermé, démonstratif, voire séchant. Il demandera de longues années pour peut-être un jour s’assagir, ce qui n’est pas gagné.

Regards croisés

Fabien Jouves, Mas Del Périé

Fabien Jouves parle du cahors Le Cèdre 2010 du château du Cèdre : « Il y a une belle complexité aromatique, entre humus et sous-bois. On est dans le côté raisonné du malbec, on sent bien son ADN. C’est une promenade en forêt avec ses notes de champignons, de caillou humide. L’élevage apporte une touche de moka. Ce vin donne envie de passer à table avec une belle viande et des champignons, un plat réconfortant en fin de vendange ».

Pascal Verhaeghe, Château du Cèdre

Pascal Verhaeghe parle du cahors Les Acacias 2010 du Mas del Périé : « Ce vin paraît sauvage et frais au nez. On est plus dans le cahors droit qu’opulent, mais toujours avec beaucoup de fraîcheur. Il y a une complexité aromatique, entre des notes de plantes et de fruits, même s’il est un poil “séchant”. Il devrait s’équilibrer d’ici cinq ans. Des vins comme ça, aujourd’hui, je sais les apprécier, avant, je n’y arrivais pas ».

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Aurore Del Vitto

Aurore Del Vitto

Ancienne responsable des relations presse & de la communication digitale
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