Au 16ème siècle, le juriste et professeur à l’université de Cahors, François Roaldès, publie « Le discours sur la vigne », un des rares traités viticoles de cette époque. Cet ouvrage atteste de la présence de l’Auxerrois (nom local du cépage) dans le vignoble de Cahors depuis au moins 600 ans.
Ce cépage natif du Lot dont le nom ampélographique est le Côt, a été appelé de nombreuses manières tout au long de son histoire : Noir de Pressac, Œil de Perdrix, Caours, etc.
Le nom international d’usage du cépage est aujourd’hui le Malbec. Il trouve son origine au 18ème siècle dans le patronyme d’un propriétaire d’exploitation viticole du Médoc, Monsieur Malbeck, lequel diffusa ce cépage en lui donnant son nom de famille.
Né vers 580, Saint-Didier, évêque de Cahors, est issu d’une famille de très haute et puissante origine. Sa vie nous est connue par un ensemble de sources assez exceptionnel pour l’époque, composé d’une correspondance (une trentaine de lettres), d’une partie de son testament, et d’un récit de sa vie écrit par un moine de Saint-Géry dans le siècle qui a suivi sa mort en 655. Le vin est au cœur de plusieurs épisodes, qui témoignent chacun à leur façon de l’existence d’un grand vignoble commercial en Quercy, autour de la cité épiscopale de Cahors.
Didier de Cahors, comme de nombreux évêques mérovingiens, a joué un rôle majeur dans le développement du vignoble à la fois pour des raisons liturgiques (le vin de messe), sociales (devoir d’hospitalité : vins de réception, d’honneurs) et économiques (vins vendus sur le marché local ou distant).
Natif de Cognac, François Ier succède à son cousin Louis XII sur le trône de France en 1515. On le sait grâce à l’administration royale : François Ier apprécie le ou les vins de Cahors. Des sommeliers d’échansonnerie sont en effet envoyés à Cahors pour acheter du vin. Au-delà de ce goût avéré, François Ier a changé le destin du cépage emblématique de Cahors à deux reprises.
Tout d’abord en faisant venir en juin 1531 des plants du vignoble cadurcien pour être cultivés près de son château de Fontainebleau. Le roi cherchait alors à créer un vignoble de tous les vignobles, à même de produire son propre vin tout en honorant et centralisant la variété viticole de son royaume et de l’étranger.
Cette mise en valeur, comme dans une vitrine, débouche rapidement sur la diffusion des cépages conservés. L’un de ces cépages en particulier connaît une large diffusion. Il s’agit du samoreau ou samoireau, qui n’est autre que le caux, cor, ou cot de Touraine ou l’auxerrois quercynois, futur malbec.
Puis, en faisant du français la langue officielle du royaume (édits de Villers-Cotterêts, 1539), François Ier entraîne l’invention du mot “auxerrois” pour désigner ce cépage. On peut ainsi dire que c’est François Ier qui a, le premier, donné sa visibilité au cépage dans les écrits.
D’abord considéré comme une maladie qui pouvait “passer” ou bien qui ne toucherait que quelques-uns, le phylloxera a frappé et détruit la quasi-totalité du vignoble français.
En France, le phylloxera est détecté pour la première fois dans le Gard en 1863. Il est arrivé en Europe à la suite de l’introduction de plants de vignes américaines importées pour l’étude et l’agrément. Tandis que les maladies de la vigne connues jusqu’alors ne faisaient qu’amoindrir temporairement la récolte, la vigne touchée par le phylloxera meurt dans les trois ans.
Le fléau fait son apparition dans le vignoble cadurcien en 1876, sans doute poussé par les vents d’ouest depuis le Bordelais où le mal est apparu en 1869. Choc d’une violence inédite, il frappe d’autant plus fort la région qu’elle s’est presque intégralement convertie à la viticulture à la faveur des trois décennies antérieures.
Faute de pouvoir soigner il faut remplacer… car face au progrès du mal, les remèdes échouent les uns après les autres. Alors on arrache et on replante. Mais là encore, c’est l’échec : les replantations à l’identique se soldent par la mort rapide des jeunes plants. En désespoir de cause, il faut se résoudre à abandonner ce qui existait.
La solution miraculeuse fut le greffage : sur un pied américain qui résiste bien au phylloxéra, on greffe un cépage de vitis vinifera. Les grappes de ce greffon donnent un vin dont la qualité est comparable à celle de la vigne européenne “franche de pied”.
Cahors fait partie de ceux qui surent préserver, nous pourrions presque dire “de justesse” la continuité qui mènera au renouveau du Malbec.
Emmené par le Syndicat alors dirigé par Abel Baudel et par le nouvel acteur qu’est la cave coopérative, le vin de Cahors reçoit son premier label de qualité, le VDQS en 1951. L’accès au label VDQS est la clé du succès, ou plus prosaïquement la condition de la survie pour une viticulture traditionnelle certes très consciente de son lustre passé, mais aussi très fragile.
Les vins labellisés VDQS ayant vocation, dans l’esprit des concepteurs du label, à passer en AOC, ce succès n’est considéré que comme une étape. Pour souligner ce statut quelque peu « intermédiaire » des VDQS, sorte d’antichambre de l’AOC, l’historien Gilbert Garrier a cette formule imagée : « Le purgatoire probatoire précède le paradis ».
À Cahors, l’étape durera deux décennies qui permettront un apprentissage progressif de la démarche collective de qualité. Deux modifications modifieront de manière substantielle les conditions de production chemin faisant : l’une en 1958 porte à 45 hl/ha le rendement maximum, l’autre en 1966 change l’encépagement (retrait des cépages blancs, de la dame noire, du valdiguié et du gamay du Lot, introduction du merlot, de l’abouriou, du tannat et de la syrah dans les 30% complémentaires de l’auxerrois).
Élu en 1967, le nouveau président du Syndicat de défense, Roger Baudel, succédant à son père Abel Baudel, n’a qu’un objectif : celui de faire progresser collectivement les vins de Cahors. Et le progrès en question est facile à envisager : passer du statut de VDQS à celui, plus prestigieux, d’AOC. Le conseil d’administration et l’assemblée générale le suivent. Le 17 janvier 1970, le dossier est officiellement déposé auprès du comité régional Sud-Ouest de l’INAO.
La commission d’enquête commence son travail à Cahors, alternant visites de terrain et réunions, et rend en septembre 1970 un avis très favorable en insistant sur le caractère identitaire du malbec : « Le Malbec (ou Auxerrois ou Cot) fait à lui seul l’originalité du vin de Cahors. Le vignoble de Cahors est le seul vignoble au monde à base de Malbec comme cépage principal. Ce cépage n’est que le complémentaire partout ailleurs. C’est ici son meilleur terroir d’élection ».
Le 15 avril 1971 le décret de classement paraît. Cahors entre dans l’élite du vin français.